En recevant lui-même demain à l’Elysée les différentes composantes de sa majorité pour préparer les élections régionales de mars prochain, Nicolas Sarkozy franchit un nouveau pas dans le détricotage de la Vème République, lourd de conséquences pour la bonne santé démocratique du pays.
Contrairement à tous ses prédécesseurs, au premier chef le général de Gaulle, le locataire de l’Elysée, en voulant à tout prix cornaquer sa majorité, cesse d’être le président de tous les Français. La chose pourrait paraître anodine parmi les nombreuses libertés prises par le président vis-à-vis des usages habituels de sa fonction et, plus généralement, de la vie politique française. On objectera aussi que le quinquennat a profondément changé la donne, la coïncidence entre élections présidentielle et législatives renforçant encore la personnalisation du pouvoir. Pour autant, Nicolas Sarkozy se rend-il compte qu’il est en train de scier la branche sur laquelle il est assis ? Tout d’abord, en cannibalisant le rôle de son Premier ministre – ordinairement chef de la majorité au pouvoir – il déséquilibre l’édifice institutionnel, au risque de faire de la présidence une fonction de touche-à-tout qui est malsaine pour la bonne respiration démocratique du pays (sur ce point, contrairement à ce qu’affirment certains, de Gaulle lui-même se refusait catégoriquement à se mêler des détails de la gestion gouvernementale). Ensuite, Nicolas Sarkozy ne cesse de rétrécir sa légitimité présidentielle qui, dans notre République, doit incarner la Nation tout entière et non pas une fraction de celle-ci, fût-elle majoritaire au Parlement. Comment en appeler à l’union nationale dans le combat contre la crise alors qu’on se définit soi-même comme un président partisan ? Cette dérive est aussi le prix payé par la droite française qui a commis l’erreur de nier sa pluralité en encasernant ses différentes composantes dans un parti unique sans alliés ni réserves de voix. Résultat, Nicolas Sarkozy est aujourd’hui condamné à une sorte de fuite en avant sans issue : plus il rétrécit son électorat en l’embrigadant dans l’étiquette UMP, plus il a besoin de nouveaux soutiens (hier Eric Besson, aujourd’hui Philippe de Villiers) qui se dissolvent les uns après les autres dans le parti présidentiel sans enrayer durablement son érosion électorale. A telle enseigne, d’ailleurs, que certains caciques de la majorité envisagent ouvertement un changement radical de la règle du jeu en instaurant des scrutins à un seul tour, qui seraient une vraie catastrophe pour notre démocratie ! Quand donc l’actuel locataire de l’Elysée comprendra-t-il qu’il ne peut plus être un homme politique comme les autres, mais doit au contraire devenir un chef d’Etat incarnant la Nation ?
NDA